29 octobre 2006

On a sonné à ma porte (la suite)

Voici.
J’aurais tout aussi bien pu appelé ce texte « Mais où est-ce donc que chez moi? » (en effet, je me suis rendue compte par les réponses reçues que très peu de mes amis connaissent mon adresse et ou mon numéro de porte!) ou alors « De prince charmant, je n’ai point »...

En effet, j’ai découvert l’identité de mon sonneur anonyme.
Je dis sonneur puisqu’il s’agit bien d’un homme, mais il ne s’agit pas du tout de mon prince charmant.
Je m’explique.

Nous sommes mercredi soir. Deux jours ont passé depuis mon aventure de sonnette à l’improviste et je m’en suis relativement bien remise. Je crois. Je suis donc chez moi, tranquille, à faire de la popotte cette fois. Et c’est alors que je coupais des tomates que c’est arrivé à nouveau. Ma sonnette a retenti à nouveau de son arrogant « bzzzz » rouillé et fatigué. Elle semblait me dire : « Iras-tu cette fois? En auras-tu le courage? » Juste pour lui tenir tête, j’accours au bouton d’ouverture automatique.

Je tiens à préciser ici que sur mon boîtier se trouvent 3 boutons. Un pour écouter, un pour parler et un pour ouvrir la porte. Les deux premiers ne fonctionnent malheureusement pas, ce qui ne me laisse pas le luxe de filtrer mes visiteurs. C’est ce que j’aurais fait la dernière fois sinon! Avec un timide « oui? » et en écoutant la réponse, j’aurais tout de suite su de qui il s’agissait.

Bref, cette fois ça y est, la porte est libre d’être franchie par l’inconnu sonneur récidiviste. J’entends même à travers ma porte d’appartement, la porte d’entrée s’ouvrir avec son clic-clang caractéristique.

J’ouvre la mienne, située à l’étage et j’écoute... pour n’entendre aucun pas monter l’escalier. Je me permets donc un « c’est en haut » qui se voulait plein d’assurance. J’entends une voix lancer un « ah » un peu surpris et soulagé suivi d’un « bonjour » neutre, mais qui se voulait sympathique et rassurant. C’est une voix que je ne connais pas. Mais je me dis qu’un vendeur de balayeuse ou un ex-détenu nouvellement relâché muni de ses portefeuilles et stylo-bille-ultra-performant y serait aller de bien plus qu’un bonjour et aurait très certainement ajouter un « madame » annonciateur de ce qui attend le visité pris au dépourvu ou alors il aurait carrément commencé à me déballer sa salade vendeuse à partir de la troisième marche!

Mais non.

Rien qu’un « bonjour ».

J’attends et je vois un dos monter les marches, un dos tout aussi inconnu que la voix. Puis un profil inconnu et un visage inconnu qui me sourit maladroitement.

Je l’examine rapidement. Mes yeux rayonnixent l’homme rapidement et mon cerveau analyse et assimile encore plus rapidement l’information pour que je me fasse une opinion et que mon faciès s’adapte en conséquence à l’émotion que je voudrai bien laisser transparaître.

Jusqu’à maintenant, rien. Moustache. Lunettes. Cheveux fins qui sont de plus en plus rare sur le dessus du crâne. Dans la cinquantaine probablement. Ou alors la quarantaine d’une vie difficile. Manteau de cuir vieillot passé mode déjà à la fin des années 90, mais assez passe-partout pour être encore porté. Jeans. Souliers de sport que son propriétaire (d’après l’allure) surnomme sans contredit affectueusement « chouclaque » sans connaître l’origine de ce mot étrange. Il pourrait être l’oncle d’une amie lointaine ou le père d’un amoureux avec qui on reste incapable de soutenir une conversation de plus de 8 mots (« Comment ça va? Bien! Vous? Oui, moi aussi »). Un chauffeur de bus scolaire. Un caissier/concierge/commis/propriétaire de dépanneur du coin. Un livreur de tous ces produits mucho importants dans la confection des burgers d’un fast-food ou des muffins d’un Tim Horton’s.

Bref, vous voyez le genre.

Tout ça c’est fait à la vitesse de l’éclair dans ma tête. Un flash. Une étincelle. Et puis... rien. Aucune conclusion plausible. Il ne me dit rien, je ne le connais pas, mais il ne m’inspire rien non plus et je n’ai aucune espèce d’idée de ce qu’il pourrait bien vouloir. Je reste donc à moitié derrière ma porte entrebâillée, je laisse une main sur la poignée et je recule sans qu’il ne le voie mon pied droit afin de me prévaloir d’un appui fichtrement plus rassurant si je veux fermer la porte avec fracas pour l’empêcher de rentrer (je regarde trop de film d’épouvante, je sais!!). Mais surtout, surtout, je souris d’un sourire qui se veut timide, inquisiteur et un peu maladroit. Par contre, il me semble plutôt que le résultat donne quelque chose du genre mal à l’aise, un peu apeurée et n’ayant pas du tout envie de rester dans cette situation d’inconnu.

Mais rapidement, bien avant d’arriver devant ma porte, il tend le bras et commence à parler. Dans sa main, il tient une enveloppe. Il veut que je la prenne, de toute évidence. Il m’explique qu’il est venu « l’aut’jour » mais que « yava pa d’reponsss » et donc qu’il « a decidey de rassèyé ». Wow! OK. Euh... Pardon? Quoi? Il parle quelle langue au juste?? Je retiens mon envie folle de regarder derrière moi pour lui donner l’impression que j’ai l’impression qu’il parle certainement à quelqu’un d’autre se trouvant derrière moi et qui comprendra mieux sa langue étrange de paysan citadin.

J’ai déjà l’enveloppe en main.

Je baisse les yeux.

Bell Mobilité. Marie Normand.
C’est moi, c’est mon adresse.
Devant mon fronçage de sourcil intense, il se veut bon samaritain et continue de m’expliquer que « ala été livrey a-a mauvâyz porte ». Ouf! OK, je respire, je me concentre. Il y a heureusement une note sur l’enveloppe qui dit que la lettre a été livrée au 8060 au lieu du 8160 où j’habite. AH!!! Je vois! C’est mon voisin et il fait sa B.A. Il a sonné pour ne pas laisser mon pauvre petit compte à payer sous la pluie. Comme c’est gentil! Et c’est certainement sa femme (ou sa fille) qui a écrit la note. À moins qu’il ne souffre de dyslexie langagière mais qu’il soit tout à fait apte à écrire normalement. Ça doit être possible. On ne sait jamais.

Ouf, je suis rassurée. Il ne venait que me donner mon dû. Je relève les yeux et je lui souris cette fois de façon sincère et douce pour le remercier. Je lui lance un « merci » et un autre « merci beaucoup » alors qu’il redescend les escaliers en me répondant « c’carèk » convainquant.

Je n’ai donc pas de prince charmant.
Mais bonne nouvelle : mon compte n’était pas élevé ce mois-ci!

2 commentaires:

Geneviève a dit...

Chère Marie!

As-tu déjà penser écrire un roman? Tu as un sens de l'intrigue et du suspense fantastique!

Claudine:) a dit...

Je seconde l'idee de ma petite soeur! Bonne semaine!