02 avril 2007

Mes 5 jours sans eau

Je ne veux pas avoir l’air snob ou quoi que ce soit du genre, mais je peux me vanter de mieux comprendre les Africains qui vivent sans eau. J’ai effectivement, pour une courte période de ma précieuse existence, vécu sans eau moi aussi... et dieu sait que j’en ai souffert.

Je vous dresse un bref portrait des événements :
Je suis réveillée à 2 h 00 du matin lundi dernier, m’enfin techniquement, on était déjà mardi, par un bruit très fort qui ressemble à une fuite de gaz. Aucun gaz dans mon appart, un peu pockée (j’ai effectivement suivi attentivement le déroulement des élections et j’ai attendu bien sagement jusqu’à la fin du discours de notre nouveau Premier Ministre pour éteindre), je me lève tout de même pour vérifier de quoi il s’agit. Je ne vois rien, je suis à tâton le son qui me mène jusqu’à ma cuisine. Une fois à l’intérieur, le bruit s’estompe bizarrement. Je reviens vers le couloir et le bruit s’accentue (encore plus bizarrement). Je m’immobilise et je fixe, les yeux écarquillés, mon chauffe-eau qui se révèle être le crieur nocturne. Avant de réaliser ce qu’il essaie de me dire si bruyamment, je sens que j’ai les orteils bien mouillée, tout comme mes talons d’ailleurs et le bas de mes pantalons de pyjama.
Shit!
En moins de deux, je suis tout à coup on ne peut plus réveillée.
Vadrouille dans une main, serviettes dans l’autre, je fais tout ce que je peux pour éponger les dégâts. Je ne sais aucunement quoi faire!! Ma seule pensée présentement est : « Maudite marde, pourquoi j’ai pas de chum moi déjà?? Il pourrait savoir faire ça aussi en plus de sortir mes vidanges! ». Ça et aussi : « PUTAIN!!! Comment on ferme l’eau!?!?!?! »
Bon, c’est fermé.
Je finis d’éponger mon plancher.
On verra ce qu’on fait demain avec les proprios, à cette heure-ci y a rien de plus à faire.
Je retourne me coucher.
Il est maintenant passé 3 h 00.
J’ai le cœur qui bat à 100 milles à l’heure et l’adrénaline qui me poinçonne les tympans.
Je ne me rendors pas.
Je dois me lever dans 3 heures.
J’ai des tonnes d’idées qui me trottent en tête :
Je fais comment pour me laver demain matin sans eau?
  • Je pourrais aller au gym.
  • Ben non, j’ai utilisé toutes mes serviettes pour torcher le sol de ma cuisine, je ne pourrais pas m’essuyer.
  • Ils vont venir quand mes proprios demain?
  • Ce sera réglé à mon retour du boulot?
  • Assurément.
  • Franchement, c’est certain!
  • Ça fait aucun sens de laisser quelqu’un sans eau pendant 24 heures.

ERREUR!!

Mardi. Jour 1 sans eau.
Après avoir parlé avec ma proprio, leur camion ne fonctionne pas. Ils viendront demain avec le nouveau chauffe-eau.
Ce soir, je fais du camping dans le divan-lit de ma copine Lyne qui habite (thank God!) à un coin de rue de chez moi.
Je prends un bain, ça fait du bien!

Mercredi. Jour 2 sans eau.
Les proprios (un Chinois qui ne parle ni français, ni anglais et sa femme, plus francisée) arrivent avec le chauffe-eau... à 17 h 30.
Ledit chauffe-eau fait au moins 2 fois la taille de l’ancien.
La femme me dit qu’ils devront couper les armoires qui se trouvaient au-dessus et aussi souder de nouveaux tuyaux car... je ne l’écoute déjà plus, elle a verbalisé ce qui me semblait impossible, ils reviendront demain avec les outils nécessaires cette fois.
Merde!
Je décide d’accepter l’invitation de Lyne à manger un shish taouk devant la télé chez elle. J’opte cette fois pour le lit de son fils, plus petit, mais moins « territoire de guerre » que le divan-lit.

Jeudi. Jour 3 sans eau.
J’arrive à la maison après le boulot.
Le proprio Chinois arrive un peu après avec son frère ou son cousin, tout aussi Chinois et ne parlant pas plus français ou anglais que le premier.
Ils zigounent sur le chauffe-eau. Ils scient. Ils soudent. Ils vissent. Etc.
Moi j’ai une sortie ce soir. Je DOIS me laver, me peigner et me changer. Je fais quoi?
Encore une fois, la douche de Lyne répond à l’appel de détresse. Je me poupoune donc rapido chez ma copine avant de retourner chez moi chercher quoi mettre. Ayant l’habitude de mettre et d’enlever à peu près tous les morceaux de vêtements se trouvant dans mes tiroirs quand je dois décider quoi mettre avant de sortir, je trouve difficile de visualiser l’effet final à bout de bras et de devoir me barricader dans la salle de bain pour me vêtir.
Je quitte l’appart, fin prête.
Je lance un au revoir se voulant sympa aux deux Chinois-soudeurs. Ils comprennent par ma gestuelle que je pars et me font des signes semblables au miens. J’espère que tout sera terminé à mon retour, mais je ne leur demande pas, n’ayant que très peu de chance d’être comprise et encore moins d’obtenir une réponse compréhensible.

Nuit de jeudi à vendredi... Fin (temporaire) de la grève de l’eau.
À mon retour, un peu perdue et ayant une folle envie de me brosser les dents et de boire un grand verre d’eau, je vois que l’eau coule, je m’exécute, souriante et je m’affaisse dans mon lit.
J’avais élaboré un plan B avec ma copine Ju qui consistait à dévaliser les Rôtisseries Saint-Hubert en quête des petites serviettes humides pour me laver, mais je n’aurai semble-t-il pas besoin de passer du côté obscur et de tomber dans la criminalité.

Vendredi. Jour 4 presque sans eau.
Dans mon empressement nocturne, je n’avais pas remarqué que l’eau coulait, mais que mes tuyaux n’étaient habités que par de l’eau glaciale.
En effet, la femme du proprio me répond doucement et m’explique que son mari n’ayant pas compris les écriteaux gigantesques présents sur le dessus du chauffe-eau et prévenant de ne pas mettre de courant avant que le réservoir ne se soit rempli, a fait tout le contraire et à brisé instantanément l’appareil. Ils reviendront donc ce soir, avec un nouveau chauffe-eau.
Putain de bordel de merde!!
J’en ai vraiment marre et je commence à avoir une folle envie de péter ma coche. Je n’en fais rien.
Ne voulant pas les croiser une fois de plus, je sors de l’appart et je vais travailler à la bibliothèque, puis sur une terrasse au soleil. Je flâne ensuite aussi tard que possible. Je ralenti devant un Saint-Hubert, mais je finis par passer mon chemin.
Une fois de retour chez moi, ils sont toujours là, mais ils ont presque fini.
Ils partent vers 20 h 00 et me disent qu’ils repasseront vers 22 h 30 pour allumer l’électricité et ainsi être sur place pour voir ce qui se passera. La confiance règne.
L’électricité est en effet allumée, l’eau est chauffée, tout est bien qui fini bien. Mais non... rien ne va, puisque les tuyaux fuient (bravo la soudure!!). Et ça ne fuit pas qu’un peu! Tellement, qu’après à peine une heure, je les rappelle et leur mentionne que si on veut éviter un autre dégât d’importance, je me vois dans l’obligation de couper l’eau à nouveau.
Ils me promettent de passer demain.

Samedi. Jour 5 sans eau.
Je suis écoeurée. J’ai envie de faire pipi dans ma toilette et de flusher. J’ai envie de me brosser les dents. J’ai envie de laver mes bas et mes serviettes toujours souillées de leur aventure nocturne de lundi. Et j’ai surtout envie de prendre une douche pendant 25 minutes et de me laver les cheveux!!!
Je ne fais que les attacher et je pars au gym pour me défouler (et aussi prendre ma douche... j’ai trouvé une vieille serviette de plage ayant échappé au sinistre). Puis je vais me balader en ville avec un copain pour ne rentrer qu’en fin pm.
Je découvre alors des tuyaux ressoudés et de l’eau chaude dans mes tuyaux.
Quelle joie!

Je peux vous dire que depuis, j’ai lavé tout ce qui pouvait l’être dans mon appart. J’ai pris ma douche plus souvent qu’à mon tour. Je me suis fait un bain de pied et un masque. J’ai arrosé mes plantes qui me menaçaient de se suicider.
Peu d’entre vous comprendront l’anecdote suivant et encore moins s’y intéresseront, mais, depuis samedi soir, mon colon travaille en temps double et j’en suis comblée.
J’étais également très heureuse… et là, faites un X au calendrier car vous ne m’entendrez peut-être jamais répéter ceci… j’étais très heureuse de pouvoir enfin faire ma vaisselle. Je peux vous assurer que mon plat de lunch de lundi midi avait très hâte lui aussi de retrouver ses amis dans l’armoire une fois propre.

Voilà donc.
J’ai de l’eau.
Soyez heureux et pensez une seule seconde aux détails mouillés qui font de votre quotidienneté un luxe et un confort inégalé et irremplaçable.
L’eau, c’est la vie.
L’eau, c’est la moindre des chose cibole!!

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