27 décembre 2006

Moi et la jeune femme au Noël triste

J'ai une histoire à vous raconter.
Ce matin, j’ai rencontré une jeune femme d’une tristesse immense.

À son réveil, la jeune femme au Noël triste a regardé son cellulaire pour voir la date du jour. Il lui a répondu, sans émotion aucune que tout Montréal s’éveille au 27 décembre.
Déjà.

Ouf! Elle a eu l’air un peu soulagée, mais troublée en même temps.
C’est presque fini pense-t-elle. En fait, techniquement, c’est fini.
Les dés sont joués.
Les cadeaux sont déballés.

Elle ne parle pas des siens bien sûr. Elle n’en attendait pas. Elle n’en demandait pas non plus. Elle n’en voulait pas.
M’enfin elle a tout de même reçu deux. Une copine lui a aussi mentionné l’existence d’un troisième. Toujours à venir celui-là. Elle espère qu’il ne tardera pas. Le plus vite, le mieux.
Ce n’est pas l’excitation ou l’anticipation qui lui fait dire ça. Simplement l’impatience de mettre derrière elle le temps des Fêtes 2006, alias « Cauchemar 2006 ».

La jeune femme au Noël triste s’est forcée à se lever. Les derniers jours, elle est restée dans son lit beaucoup trop d’heures.
Je vous résume.

Le 22 décembre, elle a répondu à l’appel d’un ami lointain, en ville pour la soirée seulement. Elle est allée au restaurant avec lui et ses amis campagnards. Elle est allée danser avec eux. Elle a rencontré un beau touriste qui a dansé avec elle et l’a courtisé. Elle a fini la nuit seule avec son ami lointain à danser jusqu’au matin, comme elle aime faire. C’était chouette cette nuit avec son ami. Super ami lointain avec qui elle entretient une espèce rare d’amitié. Aucun malentendu, jamais, aucun sous-entendu non plus, jamais. Dans la nuit, plusieurs autres hommes lui ont souri en jouant à l’électron autour de la belle dansante et souriante. Elle s’est sentie belle, elle s’est sentie bien.
Puis elle est retournée dans le confort de son pyjama et a cherché le sommeil en pleurnichant. Elle aurait aimé être avec Lui. Mais elle est contente tout de même d’être sortie, d’avoir joué à l’être humain sociable durant toute une nuit.

Le 23 décembre, elle est allée prendre un verre avec un bel inconnu rencontré la veille. Elle s’est forcée, sous les conseils (et gentilles menaces) de son âme sœur, à s’habiller, se maquiller, se peigner, comme pour un vrai rendez-vous. Elle s’est mise belle. Elle est allée. Elle a discuté. Elle a ri quand il le fallait. Elle a bien joué son rôle.
Puis elle est retournée dans le confort de son pyjama et a pleuré. Elle a pleuré en pensant que l’homme plus qu’intéressé et intéressant avec qui elle avait passé la soirée n’était pas Lui et donc ne lui plaisait pas vraiment au fond.

Le 24 décembre, elle s’est tirée du lit à 14h00. Elle a tout de même répondu à l’invitation à souper d’amis l’ayant un peu prise en pitié et ne voulant pas la laisser seule un 24 décembre. Bien gentil, merci a-t-elle dit. Elle est allée. Elle a souri quand il fallait. Elle a déballé les deux cadeaux portant son nom. Elle a donné des becs. Elle a dit merci. Elle a bien joué son rôle. Ces êtres altruistes et généreux qui lui tenaient compagnie étaient plus que gentils, mais ils n’étaient pas sa mère, la tradition des Fêtes voulant que le soir du 24 lui soit réservé depuis toujours.
Puis elle est retournée dans le confort de son pyjama. Elle a pleuré un peu, mais juste un peu cette fois, l’alcool l’ayant aidée à s’endormir rapidement.

Le 25 décembre, c’est à 16h00 qu’elle est sortie de ses draps. Presque aussi fripée que son oreiller. La faim lui tiraillait l’estomac. Elle a mangé, un peu n’importe quoi. Elle n’a pas trouvé la force de répondre aux appels d’un autre ami, tout aussi altruiste et généreux, qui ne voulait que son bien. Ça l’a rendu triste, je l’ai vu dans ses yeux de jeune femme.
Puis elle est retournée au lit, dans le confort de son pyjama, qu’elle n’avait même pas pris la peine de quitter. Elle a beaucoup pleuré cette fois, en pensant à son ami si gentil qui aurait aimé profiter de sa compagnie ce soir et qui aimait bien sa compagnie en général alors que Lui n’en voulait plus.

Le 26 décembre, par contre, elle m’a surprise et je crois qu’elle s’est surprise elle-même. Elle a pris sa douche de bon matin, s’est habillée, s’est fait un déjeuner équilibré (avec tous les groupes alimentaires, oui-oui, tous!). Elle a vu la neige dehors et elle a souri. Elle avait l’air sincère cette fois, je vous le dis. Elle est sortie ensuite. Elle s’est dirigée, comme un zombie vers les grands magasins du centre-ville pour braver l’ultime épreuve… le Boxing Day!! Bain de foule, pendant plusieurs heures. Elle ne s’est battue avec personne. Brave jeune femme, elle a même souri à chacune des caissières l’ayant servie.
Puis elle est retournée chez elle, mais elle n’a pas pu attendre le confort de son appartement pour pleurer. Elle a bien fait ça par contre quand ça l’a prise à la gorge dans le métro. On aurait dit qu’il s’agissait d’un rhume. On aurait dit que les larmes venaient aux yeux suite aux bâillements qu’elle feignait artistiquement.

Et donc, aujourd’hui, son cellulaire lui a appris qu’on était le 27 décembre. La jeune femme au Noël triste a bien vu que Noël, c’est terminé le 27 décembre. Alors elle a décidé que ce serait le jour du grand ménage. Elle a vidé les quelques boîtes qui la narguaient encore d’un coin de son appartement. Elle est restée à la maison, oui, mais elle s’est habillée pour le faire son ménage. Elle a tout lavé! Du plancher au derrière du frigo, de ses draps au bol de toilette, en passant par le rideau de douche, tous les miroirs qui la regardent chaque jour, les hélices de son ventilateur de plafond, et même le dedans de sa laveuse! Bon, ça c’était un peu extrême, elle me l’a avoué elle-même. Mais de cette façon, au moins, son cerveau était occupé. Elle a par contre fait une petite erreur de parcours… un tout petit instant, je me suis retournée et elle en a profité pour Lui écrire.

J’ai essayé de lui dire que c’était une mauvaise idée. Mais c’était déjà fait, je n’y pouvais plus rien. Je l’ai donc quasiment convaincu que ça pouvait être vu comme faisant partie de son ménage et que maintenant, elle ne devait pas attendre de réponse ne menant nulle part et qu’elle devait faire comme Lui et regarder devant.

Son Noël toute seule a été difficile, je peux vous le dire, j’ai tout vu.

Par contre, la nouvelle année arrive. Une belle année toute neuve et vierge pour la jeune femme. Bien sûr, elle sera seule une grande partie de cette prochaine année également.

Mais, maintenant qu’elle a compris qu’elle devait comprendre que ce n’est pas Lui, mais bien sa mère qui lui manque, elle pourra être bien seule.
Et bientôt, elle aura compris qu’elle doit comprendre qu’au fond elle peut être bien toute seule tout simplement parce qu’elle est la plus meilleure de toutes les jeunes femmes.
Alors, elle pourra finalement être bien et elle ne pleurera plus toute seule en pyjama.

Plus que quatre jours avant le début de l’année 2007.
Est-ce que je vous ai dit que l’année 2007 serait une grande année pour la jeune femme au Noël triste?
C’est un secret, mais elle ne m’en voudra pas de vous l’avoir dit.
Elle ne m’en voudra pas, parce que dans 4 jours, elle ne sera plus la jeune femme au Noël triste, elle sera la jeune femme la plus meilleure de toutes les jeunes femmes. Faudra donc pas vous étonner de la voir faire des trucs un peu fous. Elle inventera des mots et des structures de phrases pour ses prochains écrits. Elle portera parfois des lunettes fumées dans le métro. Elle voyagera, très loin et toute seule. Elle sourira à des inconnus dans la rue.
Elle le faisait tout ça avant, vous savez. Elle le faisait, tant, si tellement souvent.
Elle souriait à des tas d’inconnus un peu partout. C’est d’ailleurs comme ça qu’elle a connu son cher Coco qu’elle aime tant.

S’il savait Coco… S’il savait comme la jeune femme au Noël triste est heureuse qu’il soit dans sa vie. S’il savait comme il lui fait du bien à sa façon.

C’est étrange et peu de gens peuvent comprendre. Peu de gens peuvent comprendre parce que très peu de gens vivront un jour ce qu’ils ont. Ils sont la preuve vivante que deux êtres vivants peuvent être proches et s’aimer beaucoup sans être amoureux.

À l’instant où j’écris ces lignes, je l’espionne du coin de l’œil, la jeune femme au Noël triste. Elle ne me voit pas, mais moi je la vois dans le miroir (propre comme pas un!) du salon. À la seconde où j’ai mentionné Coco, je l’ai vu se mettre à sourire et à rayonner sans y penser.
Littéralement, elle rayonne.
Et moi, je lui souhaite des tas d’autres Cocos en 2007.
Des tas!
Elle le mérite, la jeune femme au Noël triste. Elle mérite de devenir la jeune femme au quotidien extraordinaire!

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